Du 14 Mai au 20 Mai 2020 : Fiction au sujet du Voyage de nos amis de Schenefeld à Voisins-Le Bretonneux

Le 14 Mai à 9h00, j’envoyai un SMS à Kai Schüler pour m’enquérir du bon déroulement de leur voyage. Etaient-ils bien partis, où étaient-ils ? Je lui indiquai que déjà à Paris le soleil brillait et que cela était de bon augure pour passer une excellente semaine ensemble.
Il me répondit sur le champ, que tout allait bien, qu’ils étaient aux Pays-Bas, que Wiebke la conductrice du car était en forme, et que le Sekt passait déjà de verre en verre entre les passagers.
Fort de cette information je l’assurai que nous mettions tout en œuvre pour bien les recevoir, que Freddy préparait déjà la salle pour la soirée franco-allemande. Il avait acheté entr’autres choses, 3 ou 4 caisses de Corona et une demi-douzaine de bouteilles de Chloroquine.

A 17H00, le car arrivait à Voisins-le-Bretonneux.

Kai nous avait prévenu dès Senlis passé que le trajet serait plus rapide que prévu puisqu’il n’avait rencontré aucun bouchon sur le parcours et aucun autre n’était annoncé par info-trafic. A la descente du car, Français et Allemands se saluèrent avec force courbettes, mains pieusement jointes sur la poitrine. Seul le regard tentait de manifester au mieux l’émotion et la joie de se rencontrer.
Madame Le Maire était présente avec ses adjointes Catherine Hatat et Christine Vincent-Genot. Michel Chaussavoine, n’avait pas pu venir. Il nous fit savoir que son vélo refusait obstinément de quitter son garage au motif que les pistes cyclables de Voisins n’avaient pas été désinfectées.
Christophe Toupin distribuait des masques, marqués VP pour les hommes (Valérie Pécresse) et BD pour les femmes (Pierre Bédier). Le pot d’accueil bu, et les petits fours mangés, tout ce beau monde partit dans les familles d’accueil, les uns fatigués par le voyage, les autres par ce qui les attendaient !

Dès le lendemain matin, le car était prêt pour aller à Paris. Ah Paris ! Paris confiné, Paris infecté, Paris masqué, mais Paris libéré ! Nous pûmes voir Notre-Dame décoiffée, des Parisiens, des cons finis, agglutinés les uns contre les autres sur les bords de Seine et dans les parcs. Les ados, contraints durant 4 longues semaines aux rêveries solitaires, s’ébrouaient comme de jeunes cervidés en moultes bavardages et bécotages, apanage de leur âge !
Puis nous allâmes visiter le Sénat ! Changement décor ! A la verdure des parcs et jardins succédaient les ors et les velours de notre république royale !
Nous fûmes accueillis par un monsieur à l’allure joviale, dont la stature laissait bien augurer de l’opulence des lieux et de la qualité de la cantine. Il se déclina à nous de la sorte : « Bonjour Mesdames, Messieurs. Je me présente : « Gérard, Gérard Larcher, Président des Sénateurs ».
Nous le saluâmes par une courbette bien basse et à bonne distanciation sociale eu-égard à son rang.
« Malheureusement, je ne peux pas vous recevoir longtemps, j’ai un train à prendre », nous asséna le chef des sénateurs. Voyant notre étonnement de le trouver seul dans ces grandes salles dorées assourdies d’un silence abyssal, il nous indiqua que tous ses collègues avaient écouté et pratiqué la consigne du Président Macron selon laquelle les « personnes âgées et vulnérables devraient prolonger le confinement le plus longtemps possible ». C’est ainsi que nos chers sénateurs envisageaient « le plus longtemps possible » vers la mi-janvier 2021 !
Après beaucoup de marche, avoir peu bu, bistrots fermés obligent, nous rentrâmes à Voisins, épuisés, dans nos familles respectives pour dormir avant d’entamer demain une initiation au golf.

Effectivement nous nous sommes tous retrouvés au Golf de Buc sous la conduite de notre éminent golfeur-maison, notre ami Philippe.
Certains préférèrent rester au Club-House, devant un café, tandis que d’autres allèrent taper la balle sous les conseils de notre moniteur dédié Nicolas. Peu d’entre nous furent performants mais tous, étions-nous reconnaissants à nos guide et moniteur de nous avoir fait découvrir ce sport de plein-air qui allie concentration mentale et marche à pied.

L’après-midi, rendez-vous chez Marie-Antoinette, dans le Petit Trianon qu’elle fit construire pour se déconfiner lorsque l’air du château lui semblait trop malsain. Notre guide allemande nous rappelait par son accent, le roulement de « r » en moins, la voix de l’Autrichienne mal aimée des Français de l’époque. Le décor à la fois bucolique et grandiose séduisit tant nos amis allemands que certains d’entre eux auraient bien voulu en faire leur lieu de résidence secondaire. Ce à quoi Freddy leur demanda s’ils n’avaient pas perdu la tête !

Ensuite nous sommes rentrés à Voisins afin de nous préparer pour la soirée « Franco-allemande » organisée par V.J. sous la houlette de son G.O préféré, le dénommé Freddy.
La soirée se déroula dans les meilleures conditions possibles. Après un discours pompier de notre Président suivi d’une réponse très soignée de Kai, nous dégustâmes les spécialités confectionnées par nos amies de V.J. aux saveurs d’Ecosse, de Pologne et d’ailleurs. Nous avons bu, chanté et dansé sans s’embrasser jusqu’aux fines heures de la nuit.
Tout juste sortis de la salle, et comme pris par surprise, nous fûmes tous contrôlés et testés par la Municipale !
Heures supplémentaires ! Voulaient-ils obtenir la médaille des « héros du Covid » ?
Résultats : certains positifs à la Corona, mais tous négatifs au Covid !
Cela certainement grâce à la bière et à la Chloroquine achetée à bon escient par Freddy quelques jours plus tôt et consommée par nous tous.

Le lendemain, dès potron-minet, nous partîmes en car sous la conduite de notre amie Wiebke et le verbe haut de Kai. Celui-ci décida vers les 9 heures-9heures et demie, de nous offrir un premier verre de Sekt, d’abord pour nous réveiller, et ensuite pour l’aider à finir les bouteilles restantes de leur trajet depuis Schenefeld. Mais son principal souci était de faire de la place pour stocker les bouteilles de Calva bientôt achetées en Normandie.

Enfin, nous arrivâmes à Bayeux. Prise de connaissance de l’hôtel. Parfait, rien à redire.
Ensuite visite de la Tapisserie dite de Bayeux. Bien que l’on s’y attendît, la richesse manufacturière de cette œuvre laissa pantois ceux qui la découvrirent ou même la revirent. Elle fut l’objet de commentaires élogieux et aussi de palabres le soir au diner. Les unes se remémorant et s’extasiant sur les 69 mètres de longueur du tapis, les autres sur la meilleure façon d’envahir la Très Perfide Albion : comme Guillaume Le Conquérant, par la mer, ou comme Wernher Von Braun, par les airs. Le débat ne fut pas tranché, et l’on décida de s’en remettre à Bruxelles !

Après une bonne nuit en pays normand, nous nous dirigeâmes vers les plages du débarquement, point d’orgue de notre venue.
Nous garâmes le car sur le parking dédié, et nous allâmes à pied sur le promontoire aménagé pour découvrir la vue sur les plages.
Et là ! Patatras ! déception totale ! Personne pour débarquer ! pas un Anglais, pas un Gallois, pas un Canadien, pas un Américain, blanc ou noir, même pas un Ecossais.
Soudain, je vis un panneau d’information fraîchement posé : « Par arrêté préfectoral l’accès aux plages est interdit à partir du 14 Mai 2020 et jusqu’à nouvel ordre ! »
Un frisson d’effroi nous parcourut : si le même panneau avait été posé le 14 Mai 1944 !
Dépités et songeurs, nous quittâmes notre promontoire plus tôt que prévu, nous nous dirigeâmes vers les cimetières militaires.
Ici, pas de surprise ! Tous présents, alignés à bonne distance de sécurité entre eux. Grand silence dans les rangs, aucune contestation ni pétition !
Nous repartîmes silencieux et impressionnés devant tant de sens de la discipline et de sacrifices rendus !
Bon, ce n’est pas tout ça … Kai avait instamment demandé que nous rendions visite à l’un de ces vieux amis dénommé le « Père Jules », tenancier d’une distillerie de calva !
Un peu de réconfort dans ce monde de brutes !!
Sitôt arrivés, sitôt accueillis par le Maître des lieux ; Ce fut émouvant de voir comment nos 2 compères se reconnurent sans problème après 40 ans de séparation !
Privés de coiffeur depuis 3 mois, ils avaient en effet retrouvé leur tête d’ados. Seule leur taille épaissie leur permettait de respecter sans trop de difficultés la distance de sécurité en vigueur lors des irrésistibles embrassades qui les étreignaient.
Nous dégustâmes moultes calva, vieux et jeunes, dans une ambiance joyeuse et euphorisante.
Wiebke, était restée dans son car, vissée à son fauteuil, un verre de jus de pommes à la main apporté par Pascale qui avait repéré la bouteille égarée dans l’antre de Jules.
Dans la cave, le ton des voix montait sans cesse jusqu’à ce que les cloches de l’église nous rappellent qu’il était grand temps de quitter notre ami Jules et ses fioles d’élixir pour rejoindre notre hôtel.
Kaï acquit une demi-douzaine de bouteilles de Calva, du jeune pour la semaine, du vieux pour les dimanches et jours de fête. Le Lustig n’avait qu’à bien se tenir !

Pour le retour sur Bayeux, nous passâmes à Lisieux, nous virent cette immense basilique construite en mémoire de la petite Thérèse, grand docteur de l’Eglise et canonisée en 1925. Comme quoi, les petits organismes vivants, même les microscopiques, peuvent influencer la vie des peuples de façon indélébile. « Toujours se méfier des petits », comme disait Chirac !
Un bon repas le soir, suivi pour certains d’entre nous d’un verre calva, ou de cognac pour les contrariants, nous mit en état de passer une nuit bienfaitrice.

Le lendemain, mercredi était le jour de retour vers Voisins et Schenefeld !
Mais avant, Kai a voulu voir Honfleur ! il avait vu Hambourg, il voulait voir Honfleur, Comme toujours…
Allez chauffe Marcel, chauffe… comme le chantait le Grand Jacques, sauf qu’ici le chauffeur s’appelait Wiebke…et était une dame.

Donc nous arrivâmes à Honfleur vers 10H30. Que c’est beau Honfleur, son soleil, ses rues piétonnes bordées de galeries de peintres, de magasins de vêtements, de restaurants moules-frites à 19.90 €.
Pascale et moi nous avons succombé à l’envie de nous offrir un petit plaisir pour notre nouvelle maison : un tableau intitulé Voyage de rêve montrant le doux visage d’un illuminé décrivant un voyage qu’il n’a jamais fait. Superbe !
Mais déjà 12H30, et nous devons repartir de cette belle ville. Allez, Wiebke, chauffe jusque Voisins pour y débarquer nos Vicinois !
A peine 20 km après Honfleur, voilà que les ronfleurs commençaient à sonoriser le car. Wiebke haussa le son de l’autoradio …

14H30 arrivée place du Général de Gaulle à Voisins. Les Vicinois descendirent avec leurs valises, les Allemands restèrent dans le car. Emus, nous nous dîmes au revoir à travers les vitres qui nous protégeaient des postillons et des larmes. Nous nous fîmes des signes des deux mains en nous souhaitant des demains qui chantent alors que le car s’éloignait déjà vers le lointain Schleswig-Holstein.

Arrivés à 23H00, épuisés mais contents.

Christian FRANQ

Voisins-le-Bretonneux, Le 20 Mai 2020

Nota :

  • Certains participants ont réclamé auprès de notre grand reporter, le dénommé Hugues, une video comme il en avait fait une très réussie l’année dernière à Schenefeld. Renseignement pris auprès du dit Hugues, cela ne sera hélas pas possible, son ordinateur ayant été attaqué par virus et toutes les photos et les films ont disparu…
  • Ce récit se veut écrit sous le signe de la dérision et de l’humour, chacun l’aura compris.

Mais cela ne doit pas faire oublier la dangerosité et la malédiction de ce virus Corona Covid-19 qui a frappé l’humanité soudainement.

Il a entraîné dans la mort 350 000 personnes à ce jour dont 29000 en France. Comme cela ne suffit pas, il s’apprête à faire plusieurs centaines de milliers de victimes économiques et sociales au risque de déstabiliser nos sociétés.